l’orangie

Au commencement était… David Graeber David Wengrow

Posted in Ecologie et développement durable by loranji on novembre 13, 2022

Il est toujours assez étonnant de voir à quel point nous sommes enclins à accepter et digérer le prêt-à-penser. Notre conception du progrès mérite ainsi d’être interrogée en profondeur tant elle retire de l’histoire, plus ou moins lointaine et plus ou moins documentée, des présupposés issus du moment, de l’époque, et de leur cadre mental. Ainsi du progrès humain vu pour une large part sous l’angle du progrès technique initié fin XVème siècle. Ainsi, une vision linéaire, quasi déterministe, de l’histoire des peuples durant les millénaires qui ont précédé, disons, notre monde, en l’occurrence la Grèce de Platon.

David Graeber et David Wengrow, respectivement anthropologue et archéologue, ont publié un livre qui fera date, ce n’est pas moi qui le dit de ma petite fenêtre de lecteur curieux, nombre de leurs collègues scientifiques semblent partis pour prendre acte de la pertinence de leur propos. 

S’appuyant sur une documentation précise et factuelle, les deux auteurs déconstruisent littéralement notre perception de ces temps anciens et par là même, questionnent notre monde contemporain, ce que nous tenons pour acquis dans notre société : pêle-mêle, la verticalité de la société, la bureaucratie, la démocratie représentative, la contrainte inhérente au travail, etc. Or tout cela provient (je simplifie lamentablement, les auteurs argumentent chaque point) d’une cristallisation de sociétés humaines précédentes, mais somme toute assez récentes : disons, Rome, Athènes, les Mayas, la 1ère dynastie chinoise et j’en passe. En clair, les structures dites “étatiques” ou pré-étatiques (chefferies) sont loin d’avoir été des modèles predéstinés par l’histoire. Nombre de sociétés anciennes, y compris urbaines, n’ont pas fonctionné sur le mode de l’aristocratie, ni même de l’agriculture (ou bien l’on parlera “d’agriculture nonchalante”, c’est-à-dire intermittente ou opportuniste, par exemple après une crue). Pendant des millénaires, certaines cités ont fonctionné avec des micro-instances, de quartier à quartier, sans qu’aucun temple ou palais ne s’y construise.

Les auteurs s’appuient sur des éléments factuels, archéologiques, pour émettre des hypothèses plausibles selon lesquelles de nombreux peuples ou groupes humains ont fait acte de politique en refusant par exemple l’agriculture au profit de la chasse et de la cueillette ; en refusant également le commandement d’un seigneur local ; ou bien encore en refusant le mode de vie du groupe voisin (on parle ici de schismogénèse). En somme, la vision que nous avons de nos ancêtres lointains relève plus de l’image d’Epinal que de la réalité, y compris à travers l’entremise d’autoproclamés experts tels que Jared Diamond (docteur en physiologie auteur d’une thèse sur la vésicule biliaire) totalement démonté dans le livre. Dans notre perception classique, nous sommes partis du principe que les humains du néolithique abandonnaient naturellement la chasse et la cueillette pour basculer dans l’agriculture, soit-disant synonyme de sécurité, de longévité et de « progrès » démographique (au détriment des femmes). C’est une erreur. Ces temps lointains ont au contraire été le lieu de débats (« agriculture oui/non »), de désaccords et l’expression de l’une des trois libertés évoquées par Graeber et Wengrow : la liberté de dire non, de partir. La liberté, aussi, d’inventer un peu plus loin un autre modèle social et économique.

Ci-dessus la Gigonsaseh Gähahnor (Ga-Hah-No), Caroline Parker-Mountplesant de son nom occidental. Dans la tradition de la Confédération iroquoise ou haudenosaunee (les deux noms sont possibles), la Gigonsaseh se tient à l’écart des conflits. Elle est capable d’héberger des ennemis, de les nourrir.

Il est évident que notre époque a beaucoup à apprendre de cette nouvelle lecture de nos origines, en tant qu’homo sapiens, du moins pour s’en inspirer à l’aune des défis que nous lance l’urgence climatique. A cet égard, la contribution de l’historien des techniques, Jean-Baptiste Fressoz fait sens. Lui, c’est le concept de “transition énergétique” qu’il déconstruit. Il serait trop long d’embrayer sur cet autre sujet mais force est de constater que ce concept, si son analyse est juste (et elle le semble), participe également d’un aveuglement ; ce même aveuglement associé au concept de progrès, justement discuté par Graeber et Wengrow. 

Pour le dire simplement : il nous faut revoir de fond en comble nos représentations mentales et nos catégories pour redonner du jeu et de la créativité à nos sociétés afin d’adresser, notamment les enjeux climatiques, les inégalités, les rapports femmes-hommes, les rapports entre pays riches et pays du sud, entre autres choses vitales pour un tant soit peu d’équilibre sur cette planète.

“Au commencement était…” (quel mauvais titre)

David Graeber – David Wengrow

Editions Les Liens qui Libèrent

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On a fait de l’ego un mur.

Posted in Mots by loranji on avril 26, 2013

On a fait de l'ego un mur.

 » On a fait de l’ego un mur, et ce mur ne comprend même pas une porte par où communiqueraient l’intérieur et l’extérieur ! Suzuki (NDLR penseur japonais) m’a appris à détruire ce mur : ce qui importe, c’est de mettre l’individu dans le courant, dans le flux de tout ce qui advient. Et pour cela, il faut démolir ce mur, et donc affaiblir les goûts, la mémoire et les émotions, ruiner tous les remparts. Vous pouvez éprouver une émotion, ne croyez pas que c’est si important… Prenez-la de façon à pouvoir la laisser tomber ! …/… Et les émotions, si on les garde et si on les renforce, peuvent produire une situation critique. Juste la situation dans laquelle toute société se trouve maintenant !  »
John Cage
« Pour les oiseaux » – Entretien avec Daniel Charles – Edition de l’Herne.

Henry-David Thoreau – Walden ou la vie dans les bois

Posted in L'art Sélavy by loranji on octobre 14, 2011

Je gagnais les bois parce que je voulais vivre mûre réflexion, n’affronter que les actes essentiels de la vie, et voir si je ne pourrais apprendre ce qu’elle avait  à  enseigner, non pas, quand je viendrais à mourir, découvrir que je n’avais pas vécu.

Le progressiste primitif, c’est peut-être ainsi que l’on pourrait qualifier l’américain Henry-David Thoreau (1817-1863) qui a notamment inspiré le compositeur John cage.

Nulle nostalgie du temps passé chez Thoreau, dans la volonté de s’isoler durant un an et demi à l’écart de sa ville natale, Concord, Massachussets. Mais alors, pourquoi construit-il une cabane au bord d’un étang, Walden, avec l’intention de vivre du peu qu’il produira dans son potager, de la pêche, de la chasse ?

Thoreau n’est pas un simple hédoniste, jouisseur de la nature. S’il se coupe du monde et de la société, c’est pour effectuer un véritable « saut » qui doit lui permettre d’espérer vivre en osmose avec ces choses qu’un homme peut ressentir au plus profond de lui-même. Au delà de l’éthique, l’approche paraîtra anthropologique. Puis finalement spirituelle. Un parcours empirique qui n’est pas sans faire penser, de loin, aux « Rêveries du promeneur solitaire » de Rousseau.

Tout commence, fort logiquement pour Thoreau, par l’examen critique de ses semblables, et plus encore, la critique du monde moderne qui naît sous ses yeux : chemin de fer, développement de la ville, du commerce, du confort domestique. Au bout de la réflexion : l’impression d’une totale vacuité et déjà l’intuition qui, plus tard, sera ressentie et formalisée par des artistes aussi différents que Kafka ou Chaplin : l’homme « n’a le temps d’être rien d’autre qu’une machine ».

Mais d’où viendrait cette servilité ? Thoreau montre du doigt la tradition, et la supposée autorité des anciens. Alors que pourtant ceux-ci « n’ont pas de conseils importants à donner aux jeunes, tant a été partiale leur propre expérience (… ) » Tout concourt ainsi, dans l’Histoire, à faire croire « qu’il en est ainsi » et pas autrement. Comme s’il s’agissait d’un donné pourrait-on dire, patriarcal. Une notion que Thoreau n’aborde pas cependant : la figure du père. Contrairement à Kafka justement.

Mais revenons à ce mot fondateur de la pensée de Thoreau, pierre angulaire de son éthique : l’expérience.

L’expérience personnelle est la seule vraiment légitime : « Je ne sais rien de plus encourageant que l’aptitude incontestable de l’homme à élever sa vie grâce à un conscient effort. » Il a la certitude qu’il faut « laisser son esprit descendre dans son corps pour le racheter, et (…) se traiter (soi-même) avec un respect toujours plus grand. »

Thoreau se désole au passage de l’hypocrisie humaine, de la vanité, surtout lorsqu’elle revêt l’habit de la philanthropie, trait spécifiquement anglo-saxon : « cette charité qui nous occupe couvre une multitude de péchés ». Pour lui la « bonté doit être non pas un acte partiel plus qu’éphémère, mais un constant superflu qui ne coûte rien (à l’homme) et dont il reste inconscient. »

Alors, puisque dans la vie moderne, les hommes s’étourdissent de confort, voire de luxe ou de prestige et « s’entourent d’une chaleur contre nature » ; puisque les nations rivalisent d’ambition pour « s’enterrer elles-mêmes » sous des monuments de pierres ; puisque l’on ne peut que désespérer « d’obtenir quoi que ce soit de vraiment simple et honnête fait en ce monde grâce à l’assistance des hommes » le salut , l’expérience vraie, l’acmé de la vie intérieure, doit pouvoir se trouver dans la nature.

Et cette phrase axiomatique :

«  Un homme est riche en proportion du nombre de choses qu’il peut arriver à laisser tranquille. »

Nous sommes ici dans les parages de la pensée taoïste, particulièrement Tchouan-Tseu que cite d’ailleurs Thoreau.

C’est alors que s’effectue un retournement. A partir du moment où l’homme se déleste, autant que possible, de son ancrage dans l’Histoire, il se retrouve dans une solitude nouvelle, féconde, qui fait dire au poète William Cowper cité par Thoreau : « je suis le monarque de tout ce que je contemple. » Ce à quoi justement, aucun monarque « institutionnel » ne peut prétendre…

Thoreau s’émerveille de chaque instant de la journée, toutes parfaitement uniques. Il s’émerveille des matins rappelant les préceptes des Védas : « toutes intelligences s’éveillent avec le matin. » Et de fait, il sent affleurer au fil des mois en lui une pensée « élastique et vigoureuse » marchant de pair avec le soleil, où le ménage lui-même relève de l’art de vivre : « Mon plancher était-il sale, que je me levais de bonne heure, et, installant dehors tout le mobilier sur l’herbe (…) avec un balai le frottait à blanc…./… J’avais parfois envie d d’étendre une toile au-dessus (de lui) et de m’établir là. »

Deuxième phrase clef du livre à mon sens :

« Je vais et je viens avec une étrange liberté dans la nature, devenu partie d’elle-même. »

La pluie, le froid, le gel ne sont plus des ennemis, ils sont acceptés dans leur légitimité parce qu’ils sont toujours utiles, avec au final un sentiment de « bienveillance aussi infinie qu’inconcevable, tout à coup comme une atmosphère me soutenant. »

Le solitaire n’est donc pas seul. L’Homme n’est pas seul. A condition de s’ouvrir à son environnement.

Le cheminement de Thoreau l’amène bien évidemment vers les terres spirituelles : « Près de quoi désirons-nous le plus habiter ? Sûrement pas auprès de beaucoup d’hommes, de la gare, de la poste (…) mais près de la source éternelle de notre vie, d’où, en toute notre expérience, nous nous sommes aperçus qu’elle jaillissait. » Et de conclure son livre par une ode au printemps où « tous les péchés des hommes sont pardonnés. » Il n’y a nul légitimité à intenter à Thoreau un procès en « bondieuserie », l’auteur est sincère d’un bout à l’autre de son ouvrage et s’il esquisse ce pas dans le divin, c’est par la force du propos qui sourd, telle une eau irrésistible, du sol, de la nature, de la vie enfin vécue. Et l’auteur d’assurer d’ailleurs plus loin – à l’encontre de toute église peut-être ? –  que « les mots qui expriment notre foi et notre piété ne sont pas définis. »

Personnellement je retiendrai de ce livre la dynamique puissante de Thoreau, ce pas de côté qui parvient, comme dirait Deleuze, à le faire changer de « plan ».

« Penser que peut-être mon corps trouverait son chemin pour rentrer, si son maître s’en écartait. »

Henry David Thoreau Walden ou la vie dans les bois littérature

Henry David Thoreau cc Wikipedia

Nous sommes en guerre avec la Terre

Posted in Ecologie et développement durable by loranji on janvier 3, 2011

Si je raisonne d’un point de vue électoraliste, la seule causalité qui vaille pour les citoyens en terme d’écologie, c’est la catastrophe naturelle sur le seuil de leur porte.

L’écologie politique souffre du hiatus qui persiste entre, d’un côté, le discours des experts, les observations macro ou micro, lointaines géographiquement ou dans le temps ; et de l’autre,  la vie quotidienne des gens qui ne change pas.

Ils ne parviennent pas, malgré une relative bonne volonté, à trouver une causalité qui parvienne tout à fait à les convaincre ; permettant de faire sortir la question écologique du jeu politique traditionnel pour la faire entrer dans « l’urgence de l’Histoire » ; urgence qui seules ont été portées jusqu’à présent par les guerres, les épidémies ou les famines.

Mais à propos de la guerre justement… Peut-être faudrait-il parler d’une guerre avec la Terre.

Peut-être faudrait-il sous-entendre que la Terre se défend contre l’agression humaine à travers des catastrophes naturelles ; considérer qu’elle n’est pas victime de l’homme mais menacée par lui c’est-à-dire, finalement, en combat contre lui.

Considérer dès lors, par le simple jeu des forces en présence, qu’elle sera toujours gagnante, et que l’homme sera perdant.

Il nous faudra bien un jour « composer » avec la terre, s’attirer ses bonnes grâces, accepter sa suzeraineté – le vassal rendant hommage au suzerain. Autrement dit se soumettre à elle.

Mais tant que sa colère n’est pas pleine, nous ne comprenons pas.

Peut-être, comprendrons-nous, mais trop tard, dans ce souffle tragique qui nous est si propre. Tragique et absurde. Nous sommes des têtes de pioche.

Nous sommes en guerre avec la Terre. Et nous pouvons les perdre, et la guerre, et nous-mêmes.

UPDATE : je viens d’acheter « La chute du ciel » de Davi Kopenawa et Bruce Albert (Terre Humaine – Plon). Ce livre est le cri d’alarme d’un chaman du peuple amazonien des Yanomami ; « cri d’alarme face à la crise écologique mondiale vue depuis le coeur de l’Amazonie ». Ce livre est présenté comme étant un « événement éditorial ». Ce que je veux bien croire.

Des abeilles, des hommes et le compte à rebours…

Posted in Ecologie et développement durable by loranji on novembre 7, 2010

Pour le dire simplement, en préambule de ce billet, le livre de Thanh Nghiem « Des abeilles et des hommes » (préface de Nicolas Hulot, Editions Bayard) fait partie de ces ouvrages que tout citoyen responsable désireux de comprendre son époque, se devrait de lire.

Cela tient notamment au fait que Thanh Nghiem, outre la clairvoyance de ses analyses, a franchi les « lignes » ; puisqu’après après avoir agi du côté du capitalisme financier dans son acception la plus radicale semble-t-il, en qualité de partner chez McKinsey, elle a basculé du côté de l’écologie, de ce qu’elle appelle le « libre » et le « durable » ; deux segments majeures de la pensée contemporaine.

La lecture de son livre ne peut donc qu’éveiller les consciences et rasséréner les convaincus.

Je m’autoriserai toutefois, humblement, quelques impressions. Celle d’un simple citoyen, nullement expert, qui a pris la mauvaise habitude de penser de travers, en biais. On ne se refait pas.

Si je me sens parfaitement en communion avec l’éthique de la responsabilité et de l’innovation qui ressort du propos, la lecture du livre de Thanh Nghiem me projette dans un sentiment mitigé, dû au fait, somme toute assez partagé, que notre planète se trouve dans une situation limite. Notre monde peut retomber en arrière, vers les tropismes stupides de la possession, comme il peut se hisser vers l’avant et tout à coup entrevoir la perspective du salut.

Je suis évidemment complètement d’accord sur le diagnostic de départ de l’auteure : la catastrophe écologique s’étend sous nos yeux. Je suis en revanche plus circonspect sur la lecture que l’on peut faire du comportement des populations, des pays riches en particulier. Car après tout, ce sont les pays riches qui tiennent pour une bonne part en main le sort du monde ; par le simple fait de se montrer miraculeusement exemplaires ou indécrottablement stupides.

C’est finalement ce qui m’effraie le plus au moment d’écrire ce billet : il faudrait, pour que la planète se mette à fonctionner dans le respect du vivant, de tout vivant, que l’Occident soit tout à coup, comme saisi par un état spirituel pour que oui, vraiment, les pays émergents se disent qu’il faut l’entendre, ce gros Occident repu qui se met soudainement à penser. « Encore l’entendre », direz-vous, alors qu’il n’a cessé d’imposer son diktat économique, diplomatique, militaire ou culturel depuis le 16ème siècle.

Deux questions :

Comment peut-on raisonnablement espérer qu’une population occidentale biberonnée à la surconsommation  puisse, radicalement, et rapidement, se transmuer en un peuple à peu près homogène porteur d’un message universel, et j’ose le dire : quasi messianique ?

Et si l’on pose l’idée d’un Occident soudain transfiguré, comment peut-on espérer (c’est une question mille fois rebattue) que les pays émergents puissent tout à coup suivre son exemple, alors même que ce sont ces mêmes pays qui, en les exploitant, puis en les exposant au big business, ont provoqué un incroyable appel d’air vers la consommation, l’avoir, le statut social, etc.

Attention, là n’est pas le propos de Thanh Nghiem. Il s’agit ici de dire de ce que je retire de la lecture de son livre. Et ce que j’en retire pour ma part est un certain défaitisme.

« Des abeilles et hommes » semble reposer sur le pari d’une émancipation individuelle puis collective capable d’imposer un nouveau paradigme, de nouveaux modes de vie, une appréciation radicalement différente de l’environnement, de la planète et du vivre-ensemble ceci, en rupture avec le modèle ambiant actuel : le capitalisme néo-libéral, qu’il soit d’avant-crise ou d’après-crise.

Certes l’auteure a la prudence d’estimer que seul un petit nombre de personnes pourraient ainsi « changer le monde » en commençant par le quartier. Certes, il existe des signes indéniables de frémissement en faveur de sa thèse puisqu’effectivement, une micro-société, sorte d’amicale mondiale, commence à poindre ici et là sous la forme de petits groupes militants.

Mais n’est-il pas nécessaire, à ce stade, d’établir le rapport des forces en présence ?

Et tout particulièrement sur le champ de bataille, champ de tous les possibles, de notre époque : internet.

L’auteure elle-même rappelle à juste titre que le web est en proie à une double jeu de forces : d’un côté le web citoyen, du libre, du collectif humain ; de l’autre ce qu’elle appelle « les tenants du capitalisme cognitif » : toutes ces big companies tellement cool où les fondateurs milliardaires jouent aux sympathiques étudiants géniaux, Google, Facebook, Apple ; délicieux triumvirat où les T-shirt ont remplacé les toges, mais où les couteaux sont toujours aussi savamment aiguisés en attendant de savoir qui tuera l’autre en premier, afin de prendre son marché.

On peut bien sûr, comme le fait Pierre Rabhi, en appeler à une « insurrection des consciences » face à ce capitalisme-là. Mais malgré l’immense respect que j’ai pour cet homme, comme pour Nicolas Hulot, je ne peux m’empêcher parfois de penser à ces prédicateurs en noir et blanc qui dans Hyde Park naguère, montaient sur une caisse pour haranguer, en vain, les passants. Mais soit, je veux bien croire que Nicolas Hulot et quelques autres suscitent le questionnement, l’intérêt et un début de changement de comportement. Est-ce suffisant à l’heure où la compte à rebours nous rapproche d’échéances très difficiles ? Eux-mêmes en doutent.

Finalement, l’enjeu caché du livre de Thanh Nghiem, comme de l’action de celles et ceux qui tentent d’alerter le monde, peut à mon sens tenir en cette question : la « pollinisation » des idées – cette contagion des idées via la révélation d’acteurs successifs responsables, à travers une attitude apprenante, progressiste – est-elle suffisamment duplicable, et si oui, l’est-elle assez pour sauver le monde à temps ?

On pourrait poser la question autrement : dans quelle mesure est-il possible – pour faire simple – de cracker les cerveaux (si l’on me passe cette expression de hacker) dans un ordre de grandeur suffisant, alors que, dans le même temps, sont avérés des forces prodigieuses d’aliénation qui elles, conditionnent ces mêmes cerveaux ?

Il s’agit bien, sur le web et au-delà, d’une sorte course de vitesse neuronale : qui va gagner les cerveaux ?

On sait à quel point le capitalisme – et plus que tout le capitalisme californien des start-up devenues big companies – a su détourner la symbolique libertaire pour mieux faire passer ses produits.

Franck Zappa, que l’on pourrait considérer comme un prophète hacker, avait compris avant tout le monde à quel point les hippies (lui étant freak) étaient voués, par une sorte de béatitude profane, à gober le culte de la « tendance », puis bientôt celui de la possession d’objets tendance, pour finir dans l’embourgeoisement bohème que permettent les points-retraite.

Philippe Muray, dont on parle beaucoup en ce moment, est arrivé par un autre flanc de la colline à la même conclusion : homo festivus, hérité de mai 68, n’a pas de rapport premier avec son environnement (Pasolini parle de la réduction du « régime de l’expérience »), mais un rapport secondaire, conditionné, où l’enjeu consiste à être reconnu par ses pairs dans le grand bain de valeurs partagées.

Ajoutons aux parents, leurs enfants : est-il génération qui n’a été plus bombardée d’informations, de messages publicitaires et de produits dérivés que celle-ci ?

Et c’est alors que les pauvres T-shirt (toujours eux !) vendus fort chers (O Ironie du Grand Recycleur qu’est le marché !) en viennent à recueillir quelques amertumes contemporaines un peu têtues sur les poitrines adolescentes et adulescentes. Est-ce assez pour faire un homo responsabilis capable d’inventivité politique ?

Comment peut-on espérer un changement de paradigme si l’on ne « trouve » pas le peuple ?

Certes, il serait tentant de voir dans les prémisses actuelles, l’avant-garde d’un discours porté par une élite, exactement comme durant les années précédant la Révolution de 1789 avec les Lumières. Mais à la fois, celle-ci a totalement échappée aux humanistes et aux modérés, et elle ne concernait que le système politique d’un pays,, nullement le système économico-politique d’une planète !

Par ailleurs, en en revenant de façon plus concrète au livre, le concept de hacker, pour séduisant qu’il est, pose la question de sa viabilité, alors même qu’il est le profil de citoyen sur lequel repose – dans le livre – un espoir de changement.

Il est dit que le hacker est le premier acteur de la pollinisation des idées, les hackers étant (p 125) « les prototypes parfaits des citoyens de la société de l’information. » Ceux-ci sont décrits comme étant fascinés par la programmation, le dépassement de soi à travers le jeu. Comprendre ici que le web social (Web 2.0) a été en partie imaginé dans les chambres de jeunes raisonnant « libre » et non « propriétaire ». Comprendre ici que ces jeunes ont appris les codes de programmation empiriquement, avec une passion incroyable, au point de dépasser les approches institutionnelles. Seulement, il est dit aujourd’hui que les adolescents de 2010 n’ont pas suivi leurs jeunes aînés. Ce savoir-faire s’est évanoui au profit d’une pratique consumériste de l’internet : les applications.

Dit autrement : les grands frères hackers d’hier, ont des petits frères développeurs d’applications dans des start-up… et des tickets restaurants.

Par ailleurs, de quoi se remplissent les tuyaux des hackers ? De la même façon que l’on peut faire du bio en étant un employeur exécrable (dixit Pierre Rabhi), Firefox, archétype des navigateurs libres, drainent des requêtes identiques à celles d’Internet Explorer. Ni plus, ni moins. En quoi, Firefox et Linux changent-ils le monde s’ils transportent les mêmes idées que leurs cousins propriétaires ?

Thanh Nghiem invoque également une spécificité française, le nombre de français inscrits dans des associations. Mais là encore, en quoi une association de la pêche à la carpe peut-elle susciter des idées novatrices ? La rupture de la pyramide top to bottom, l’horizontalité des relations menant à la « fertilisation croisée » peut très bien porter sur le macramé…

Ne doit-on pas plutôt considérer que la pollinisation – ou viralisation – des idées et des actes n’est possible qu’à partir d’un pré-requis :

le fait que le système dominant actuel produit son propre poison.

De ce point de vue, Keynes (p 55 du livre de Thanh Nghiem) aurait effectivement raison : le capitalisme (j’ajoute « non social, non-rhénan et débridé ») exorcise la mort, via l’argent. Mais précisément, ce système devra payer un jour cette négation de la mort. Peut-être faut-il considérer, dans la ligne du propos de Jared Diamond que ce processus doit aller à son terme, en appeler, en amont, à une « prise de conscience » serait en quelque sorte parler dans le vide.

On peut d’ailleurs se demander si l’époque ne se veut pas apocalyptique, pressentant là, confusément, la condition première du changement et du monde futur… Herman Broch dans « La mort de Virgile » :

« Le peuple sent  confusément qu’une vérité nouvelle se prépare, le peuple sent confusément que les formes anciennes (NDLR : imaginons ici le modernisme consumériste) vont bientôt s’élargir ; confusément il sent l’insuffisance des anciens rites sacrificatoires et poussé par un désir confus de nouveauté, poussé par un sourd désir d’immolation, il se presse aux lieux du supplice et aux jeux (…) il se presse au simulacre impie du sacrifice qu’on lui présente sous la forme d’une mort (NDLR : le jeux du cirque / et pour nous par exemple  la télé-réalité)  dont la cruauté grandit sans cesse ; il s’y presse pour ne satisfaire finalement que son ivresse de sang et son ivresse de mort …/… Le peuple a plus de pressentiments que l’individu. Car le sentiment commun est plus sourd et plus pesant que la pensée de l’âme individuelle et l’appel du rédempteur du monde est chez lui plus sourd et plus pesant, plus sauvage et plus confus. Et devant les atrocités sanglantes étalées sur les lieux du supplice et sur le sable de l’arène, il pressent en frissonnant qu’elles feront grandir l’acte authentique (c’est moi qui souligne) d’immolation, le sacrifice authentique qui sera la forme dernière et décisive de la connaissance sur terre. »

Par ailleurs, et pour conclure, si je rebondis par rapport au concept de résilience cité dans le livre et cher à Boris Cyrulnik, il n’est pas de résilience sans traumatisme et je suis tenté de penser que ce traumatisme, mécaniquement, ne peut venir que de l’accomplissement presque total du processus mortifère.

Or les riches, dans l’acception du terme la plus large, qu’ils soient les riches « moyens » des pays riches, ou les riches « riches » des pays riches ; ou les riches des pays pauvres, lesquels constituent tous ensemble l’immense classe sociale de ceux à qui il n’arrive rien d’autre, dans le pire des cas, que des « accidents de la vie » se trouvent encore bien loin de la conscience réflexive qu’impose la catastrophe de la misère ou de l’injustice due à un système dévorant.

De « réorganisation », dès lors, il ne peut être question à mon avis. Tant que les gens mangent toujours leur poulet de batterie avec leur i-pod sur les oreilles, c’est-à-dire tant qu’ils auront du pain. Que peut-il se passer d’autre que l’aimable et indolore « responsabilité citoyenne », variante habile du statu quo que dénonce justement Thanh Nghiem… Mais de résilience, en tant que bouleversement collectif existentiel, pour un vrai changement, non point à nos porte. Seulement à l’horizon…

Si donc, nous admettons que la foule, à un moment en vient à s’ébranler vers cet « ailleurs » meilleur, en réapprenant la collaboration, l’entraide, la solidarité et ce enfin, à grande échelle, ce sera d’abord, à mon sens, non par une prise de conscience positive des insuffisances du système, mais par la faillite réelle, incontestable et plus encore, menaçante de celui-ci. Et ceci pour tout le monde, ou la quasi-totalité. Nous en sommes loin, même si nous nous en approchons chaque jour.

En attendant, je ne crois pas aux foules savantes, capables de se mobiliser à partir d’une sorte de cogito commun, d’un ratio partagé ; je n’y crois pas, surtout à l’heure du déficit et même de l’autre catastrophe en cours : la catastrophe culturelle via la destruction des savoir-faire et des savoir-vivre tels que théorisée par exemple par Bernard Stiegler. L’audience de « Home » – film de ce  brûleur de kérozène à moustaches médiatiques – n’est sans doute pas une audience comme les autres, mais elle ne peut constituer une base de réflexion du type : voici la preuve que ça bouge, qu’un nouveau modèle émerge. Ca n’est que de la télé et la mise en spectacle d’un drame qui concourt à l’émotion impuissante mais non à l’effroi radical qui peut préluder à un saut spirituel puis à une éthique responsable et politique.

A l’exemple de Walter Benjamin, je me trouve, malgré moi en situation de « révolte contemplative », espérant davantage les mutations attendues d’un saut spirituel que de l’action opiniâtre de l’agit-prop ou de doux militants pacifiques décrits par Michel Houellebecq dans son dernier roman. J’attends les vrais bouleversements.

L’humanité est tellurique. Comme la Terre. Terrible. Et belle.

Thanh Nghiem « Des abeilles et des hommes », préface de Nicolas Hulot. Editions Bayard. ici sur la Fnac, là sur Amazon

La première araignée politiquement correcte

Posted in Tout arrive by loranji on octobre 18, 2009

Elle a été baptisée Bagheera Kiplingi et c’est la première araignée connue pour être végétarienne. Et oui, il faut le savoir, les araignées sont furieusement carnivores, les 40 000 espèces référencées bouffe de la cuisse de mouche à longueur de journée, mais il fallait bien une exception : Bagheera Kiplingi (english).

Une araignée végétarienne, incroyable non ? On croirait y voir un signe des temps, pour un peu, elle a voté Europe Ecologie aux dernières élections. La petite bête est vraiment sympa ; elle vit sur les feuilles d’acacias au milieu des fourmis et se contente de leur chiper un peu de leur travail de décortication de la feuille.

Seulement voilà, quand j’y réfléchis un peu – en fait je pensais à cela sous ma douche – que se passerait-il, oui que se passerait-il si toutes les bestioles se mettaient au végétarisme ?

Imaginez, la chaîne alimentaire complètement éparpillée au quatre vents ! Imaginez que l’araignée ne mange plus de fourmi, que la mante ne se jette plus sur l’araignée, que le lézard ne dévore plus la mante, que le faucon ne plonge plus sur le lézard…

Bref, si les animaux avaient la très mauvaise idée de devenir végétariens, la planète serait surpeuplée de bestiaux en tout genre, on verrait des troupeaux de gazelles déferler dans les couloirs de métro ; des souris dormir dans nos étagères de chaussures un peu comme dans un hlm ; un ciel noircit d’oiseaux en tout genre prêts à fondre sur le moindre bout de pain sorti d’un sac par la petite vieille du square. Et les journaux le lendemain : « Elle s’apprêtait à manger son sandwich Daunat quand les moineaux ont attaqué ».

Nous y voila. Les végétaux ne pourraient pas suivre, ils ne pourraient pas nourrir tout le monde. Et que de dire des grands prédateurs ! Pour un peu, des tigres faméliques frapperaient à la porte de centres d’aide : « aujourd’hui galettes de tofu ». Des requins se présenteraient la queue basse pour recevoir  une caisse de poudre d’algue lyophilisées pour eux et leur rejetons. Des aigles gagneraient quelques poignées de sarrazin en proposant des spectacles de rue vite barbants du style attraper une balle de tennis au vol les yeux bandés.

Et la planète se peuplerait, se peuplerait encore et toujours de singes, d’escargots, de girafes, de rouges-gorges, de cerfs, de truites, de baleines, de mulots, de perroquets, de rennes, de termites, de biches… Et tout cela se terminerait par… par quoi en fait ? Mais oui, puisqu’il n’y aurait plus de place pour tout le monde, et encore moins à manger, ça se terminerait par une bonne vieille guerre mondiale avec des gazelles foutant sur la gueule des otaries ; une immense orgie carnassière bien sûr !

Fin du cauchemar.

Alors, alors… retirons au moins une morale de cette histoire. Soyons raisonnables, mangeons-nous les uns les autres.

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Utilité de l’inutile : en passant par Tchouang-tseu…

Posted in Ecologie et développement durable by loranji on octobre 11, 2009

Je lis ce matin un passage du Tchouang-tseu sur l’utile et l’inutile, un sujet on ne peut plus central dans la société contemporaine. Tchouang-tseu ou (Zhuangzi) est l’autre grand penseur, avec le célèbre Lao-tseu, de ce qu’il est convenu d’appeler le « taoïsme ». Je signale tout de même que l’existence de Lao-tseu est moins avérée que celle de Tchouang-tseu ; ce dernier aurait pu également vivre avant Lao-tseu ce qui en ferait, dès lors, « l’inventeur » du taoisme. Formule stupide, j’en conviens. Mais là de toute façon n’est pas le sujet. Ce qui rend Tchouang-tseu vraiment intéressant, c’est tout simplement sa pensée. Je me suis promis depuis plusieurs mois d’en parler sur ce blog, mais on n’aborde pas l’oeuvre de Tchouang-tseu comme celle de Marc Levy ou Christian Jacq.

En attendant cet hypothétique billet, je lis donc ce matin cette phrase du Tchouang-tseu (j’écris « du » et non « de » car il s’agit du « livre de Tchouang-tseu », comme on dirait la Bible, le Zohar, etc.)

« Tout le monde connaît l’utilité de l’utile, mais personne l’utilité de l’inutile ».

A l’heure où l’on parle de développement durable et au-delà, de décroissance, à l’heure où l’on réexamine notre surconsommation à l’aune des déchets et des injustices qu’elle produit, le propos de Tchouang-tseu est intéressant.

Tout le monde connaît de fait, « l’utilité de l’utilité », mais de quelle utilité parle-t-on de nos jours ? La futilité elle-même ne peut-elle être élevée au rang d’utile quand elle est permet la consolation ? Une friandise est futile, et pourtant utile à l’enfant dont il faut sécher les larmes. Un nième blouson acheté par une midinette indique le plus souvent la manifestation d’une addiction, mais aussi parfois, la séquence réparatrice après une rupture ou une bête dispute avec la meilleure amie…

Cela nous ramène à « l’utilité de l’inutile ».

Evidemment, quand on lit cela dans le Tchouang-tseu, il est plus aisé d’imaginer les nobles figures de l’inutilité que peuvent être le passage d’un nuage, le vent dans les feuilles… Mais cette perception naturaliste n’est-elle pas un peu courte ? quid, notamment, de ce que la société produit de plus inutile ? Dit autrement, en quoi un objet manufacturé serait-il d’une inutilité différente à celle de l’envol d’une feuille morte dans le vent d’automne ? On parlera alors de « moment » pour la nature, et de « superflu » pour l’objet. Mais peut-on catégoriser l’inutilité autrement qu’à travers l’image que la société en a ? Ne doit-on pas juger de l’util et de l’inutile à la lumière de l’expérience unique que chacun en fait ? Vu sous cet angle, le superflu peut rester superflu à beaucoup, et essentiel à d’autres.

Alors que l’on s’alarme, fort justement, des conséquences écologiques de notre société et de la faillite spirituelle qui l’accompagne, il serait bon aussi, de ne pas sombrer dans un utilitarisme dogmatique, lequel consisterait à considérer ceci comme utile, et cela comme inutile.

Bref, à faire un tri sélectif. Ah.

Au bout du compte, et si l’on raisonne à hauteur de l’expérience humaine qui peut en être faite, le futile, parce qu’il est inutile, peut finalement être utile. Voilà tout de même un raisonnement sacrément sophiste me direz-vous ! Justement, c’est … l’utilité du sophisme : empêcher les horloges d’être un peu trop à l’heure.

Cette expression, « l’utilité de l’inutile », ouvre donc un abîme fort utile (décidément) au moment où l’on doit faire l’inventaire de ce qu’il l’est, et ne l’est pas. Façon de nous rappeler qu’il ne faudrait pas entrer « en religion » sur les questions écologiques, mais cultiver la sensibilité écologique au rang d’éthique de la prudence, dans tous les sens, pour les actes, et les jugements. Et ceci, au regard de chaque individu.

Ne regarde pas l »ipod nano qui est dans les oreilles de ton voisin, mais le bouchon de cerumen qui est dans les tiennes… Et je m’y connais en terme d’oreilles 😉

Laitue méfiante ?

Posted in Mots by loranji on septembre 13, 2009

L’es-tu, méfiante ? C’est en ces mots que je réponds, très familièrement, je le concède, jeu de mot oblige, à ma commentatrice du billet précédent, me soupçonnant de vendre des « salades » sous prétexte de ma sensibilité verte.

Et bien non chère commentatrice, je n’ai rien à vendre (du moins pas sur ce blog) ; rien à vendre et tout à partager, quelques menues impressions sur la vie qui coule sous mes yeux – comme sous les vôtres – et s’étrangle les mauvais jours dans les méandres du tragique, souvent comique, avant de reprendre son élan dans les plaines de l’espérance – et oui – ; cette vie du monde, de chacune et chacun, qui roule comme un galet, se polit mais aussi parfois se brise et aiguise de nouveaux angles, coupant, souvent stimulants, parfois dangereux ; ainsi va la vie ; et ainsi va la vie de ce blog qui n’a d’autre ambition que de ne pas en avoir, simple oeilleton personnel à travers lequel j’invite modestement le passant, la passante à regarder comme moi, mi fasciné, mi inquiet, le spectacle du quotidien plongé dans la marmite éternelle. Non, décidément, rien à vendre ici.

Ni salade, ni soupe, ni camelote.

Je constate en revanche, chère commentatrice, que si vous, vous ne vendez rien, vous me balancez à la figure votre méfiance pire, votre accusation.

Mais si, comme je le pense, la méfiance use le méfiant, le soupçon use le suspicieux, le scepticisme use le sceptique (complétez si nécessaire) ; épargnez-moi ce que l’on ne voit que trop fleurir du terreau de l’usure morale qui en résulte : l’accusation infondée et facile.

Et passez votre chemin.

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Calfee Bamboo Bike : un vélo en bambou écolo… mais pas vraiment

Posted in Ecologie et développement durable by loranji on juin 18, 2009

Attention au vert teinté (merci au jeu de mots) d’une fausse écologie.

Je découvre l’existence d’un vélo conçu à partir de bambous. Green idea n’est-ce-pas ? (re-merci au jeu de mots) mais en fait, à lire Ariel Schwartz sur Fast Company, le bilan carbone de ce vélo écolo n’est pas franchement bon. Mais oui, les bambous, il faut les faire venir de Taïwan par bateau jusqu’en Californie. Les pièces sont alors assemblées avec des substances type polyéruthane, etc. Ensuite, le vélo reprend la mer pour être distribué chez les revendeurs américains et anglais. Au bout du compte, le bilan carbone ne semble pas, a priori, très favorable malgré l’intention première.

Moralité, côté bilan carbone, ce vélo donne plutôt le coup de bambou à la planète (bon là j’ai l’impression d’être chez les Grosses Têtes, je range le moteur à jeu de mots). Bref, on sera peut-être plus écologique et plus en phase avec l’éthique durable, d’acheter un vélo en alu (métal facilement recyclable) fabriqué pas trop loin de chez soi par des ouvriers dont l’usine ne sera pas délocalisée, etc. Le vélo en bambou, pourquoi pas, mais là où il pousse !

bamboosmall :

le site du constructeur : CalfeeDesign

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Il y a celle qui pense que… et ceux qui font

Posted in Ecologie et développement durable by loranji on juin 12, 2009

« Je pense qu’aujourd’hui, personne n’est parvenu en France à réaliser la synthèse entre démocratie, humanisme et écologie. »*

Ah bon ?

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* Corinne Lepage, itv pour Le Monde

photos Magnum – B Barbey ; Ushuaïa Nature – G Bozio